Conférence de Patrick EVENO* | 24/09/2024 |
présentée au lycée Condorcet dans le cadre d’une soirée annuelle de découverte d’une originalité de notre lycée : ce qui s’y transmet est dans le droit fil des qualités de celui qui lui a donné son nom !
* Patrick Eveno, ancien élève du lycée Condorcet (1957-1967), est spécialiste de l’histoire des médias. Agrégé et docteur en histoire, il a été professeur en lycée, puis à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Il a également enseigné dans les écoles de journalisme (ESJ de Lille, IPJ Paris), fondé et présidé l’Observatoire de la déontologie de l’information (2012-2019), puis le Conseil de déontologie journalistique et de médiation.
Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794)
descendant d’une noble lignée féodale et d’un milieu dévot, avait tout pour devenir un contre-révolutionnaire. Mais, enfant prodige, il se lance avec passion dans les mathématiques, notamment la géométrie et le calcul intégral. Il soutient une thèse à 16 ans, devient l’ami de d’Alembert et de Voltaire, entre à l’Académie des Sciences à 26 ans et à l’Académie française à 39 ans.

Fréquentant le salon de Mlle de Lespinasse et nommé inspecteur général de la Monnaie par Turgot, il s’intéresse à la philosophie, à la politique, à l’économie et à la psychologie sociale.
Il publie de multiples ouvrages dont Lettres sur le commerce des grains (1774), Réflexions sur l’esclavage des nègres (1781) [sous le pseudonyme de M. Schwartz], sur les élections et les institutions qui marquent les esprits.
Héritier des encyclopédistes, auréolé de son amitié avec d’Alembert et Voltaire, penseur fécond de la réforme politique et sociale, Condorcet est respecté par l’ensemble des révolutionnaires, mais aussi jalousé, souvent.
Le travail journalistique de Condorcet doit être replacé dans ce contexte exceptionnel…
… La révolution médiatique
La presse prend son essor en France dans les années 1770-1780. Alors que les titres pérennes n’étaient qu’une vingtaine au milieu du siècle, ils passent à près de 70 en 1775 et à plus de 85 en 1785. C’est le temps de l’essor des Affiches en province et à Paris, qui mêlent les petites annonces et les informations de service non-politiques et tirent ensemble à 15 000 exemplaires.
En 1777, le premier quotidien français, Le Journal de Paris, voit le jour, tandis que Charles-Joseph Panckoucke, imprimeur éclairé qui mise sur le développement du marché, rachète Le Mercure de France en 1778 et La Gazette en 1787.


Cette dernière tire à 12 000 exemplaires par semaine, tandis que les réimpressions provinciales atteignent 15 000 exemplaires. Panckoucke publie également le Journal de Bruxelles et le Journal de Genève, fictivement domiciliés à l’étranger pour respecter le monopole, mais en réalité publiés à Paris.
Au total quelques 70 000 exemplaires sont diffusés, mais comme la lecture est souvent collective, dans les cabinets littéraires, les sociétés de lecture et les cafés, voire dans la rue pour le peuple, on estime le nombre de lecteurs réguliers à environ 500 000.

Toutefois, la censure veille et le privilège accordé aux imprimeurs en fonction de leur fidélité à la monarchie limitent cette expansion.
Si la presse généraliste se développe dans les années précédant la Révolution, elle n’a pas encore la puissance de la presse anglaise ou américaine, parce qu’il faut des assemblées délibératives pour inciter au débat d’opinion.
À partir de 1788, la bataille politique commence et la presse est appelée à y participer. En effet dans l’arrêt du Conseil convoquant les Etats Généraux, « Sa Majesté invite toutes les personnes instruites du royaume à faire connaître leur opinion sur les questions ainsi soulevées ». Cette formulation semble autoriser la publication de pamphlets, qui se multiplient dans les mois suivants pour atteindre une moyenne de 100 publications par mois. Volney publie un périodique La Sentinelle du peuple, qui paraît cinq fois en novembre et décembre 1788. Un certain Mangourit publie 63 numéros du Héraut de la Nation entre le 1er février et le 30 juin 1789. Enfin, un périodique épisodique et humoristique, rédigé par un anonyme, Tout ce qui me passe par la tête, est publié à plusieurs reprises en 1789.
Mais les choses sérieuses sont l’affaire de ténors politiques : en avril 1789, Jacques-Pierre Brissot, défenseur de la liberté, qui a voyagé en Angleterre, en Hollande et aux Etats-Unis, crée un journal, sans autorisation royale, Le Patriote français, dont le premier numéro, paru le 7 mai 1789 est immédiatement interdit. Brissot a placé en exergue de son journal une sentence qui assigne à la presse un rôle majeur dans la conquête démocratique : « Une gazette libre est une sentinelle qui veille sans cesse pour le peuple ». Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau fait paraître deux livraisons de ses Etats Généraux, le 5 et le 7 mai. Le journal étant lui aussi interdit, Mirabeau contourne la loi en se réclamant du mandat reçu par ses électeurs, dont il doit rendre compte. Il publie le 10 mai 1789 Les Lettres du Comte de Mirabeau à ses commettants, que la monarchie ne peut interdire.

La Révolution consacre le triomphe de la liberté de penser et d’écrire, donc de la liberté de la presse. Les délibérations de l’Assemblée sont suivies avec attention, tandis que l’émeute du 14 juillet 1789 devient révolution par la résonnance que lui donne la presse parisienne.
Le triomphe de la liberté
Dans son article 11, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen consacre la liberté d’expression : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
À la même époque aux Etats Unis, le 1er amendement de 1791 (Le Congrès ne fera aucune loi limitant la liberté d’expression ou de la presse) fonde le pouvoir de la presse, le quatrième des pouvoirs, conscient de sa mission de contrepoids dans l’organisation sociale et politique.
La floraison de la presse à l’été 1789 se poursuit pendant trois ans : 42 périodiques paraissent entre la fin mai et la fin juillet 1789. Plus de 500 périodiques voient le jour entre juin 1789 et août 1792, car la liberté de la presse est illimitée, durant ces trois années. En décembre 1789, il y a, à Paris, 64 titres politiques, dont 33 quotidiens, 20 bi ou tri hebdomadaires et 11 hebdomadaires.

En revanche, les capacités techniques, en particulier celles des presses à bras qui impriment feuille par feuille, limitent le tirage et la diffusion. Les presses impriment 100 à 150 feuilles à l’heure, qui pliées donnent un journal au format in 4°, in 8° ou in 16° (l’in-folio est égal à 34x40cm ou 40x60cm). Les tirages, fréquemment de 300 à 500 exemplaires dépassent rarement les 2 ou 3 000 et atteignent exceptionnellement les 10 à 12 000 exemplaires. Le directeur, principal rédacteur, est parfois imprimeur.
Les journaux sont chers : 36 £ par an pour le quotidien de Brissot, Le Patriote français, 2 sous à la vente au numéro. Les recettes publicitaires, pour des livres, des estampes, des uniformes ou des produits divers viennent compléter les recettes de la vente.
En 1791, la presse parisienne vend environ 300 000 exemplaires par jour et en envoie 100 000 exemplaires en province et à l’étranger.
La presse de la Révolution
Les quatre anciennes gazettes, celles de Panckoucke, La Gazette de France et Le Mercure de France, et les deux autres, Le Journal général et Le Journal de Paris tentent de rester modérées.

Le Moniteur Universel, créé par l’imprimeur Panckoucke, devient, à partir du 24 novembre 1789, le quotidien en grand format in-folio (4 pages 29×49), quasi officiel de la Révolution puis de l’Empire. En dépit d’un prix élevé, l’abonnement coûte 72 £ à Paris et 84 £ en province, le numéro est vendu six sous, Le Moniteur Universel atteint une diffusion importante et compte plus de 8 500 abonnés en 1792. Le compte-rendu sténographique des séances, réalisé par l’équipe des logographes de Maret assure au quotidien sa notoriété. Panckoucke, soucieux avant tout de la rentabilité de son entreprise, avait su rapporter les débats sans intervenir dans les orientations politiques. Il devient ainsi un informateur indispensable pour les élus des provinces.
Le Journal des débats et Décrets, fondé en août 1789 acquiert une notoriété similaire en publiant tous les décrets des assemblées ce qui le rend indispensable aux administrations locales.
Les autres titres de presse couvrent tout l’éventail politique, depuis les plus révolutionnaires jusqu’aux thuriféraires de la monarchie absolue.
La personnalité et le prestige politique des rédacteurs permettent à certains journaux de se détacher parmi les centaines de titres qui sont publiés : Mirabeau qui publie 350 numéros, de son Courrier de Provence, entre juillet 1789 à septembre 1791, Brissot publie 1 388 livraisons de son quotidien Le Patriote français entre mai 1789 et juin 1793, dont le tirage atteint jusqu’à 10 000 exemplaires. Elysée Loustalot, publie un hebdomadaire très complet, Les Révolutions de Paris, journal populaire et démocrate qui compte 48 pages par livraison et eut 225 numéros de juillet 1789 à février 1794. A partir de novembre 1789, Camille Desmoulins, défend les positions de Danton, le leader démocrate et populaire, dans Les Révolutions de France et de Brabant, qui atteint 3 000 abonnés, mais cesse de paraître en juillet 1791, puis dans Le Vieux Cordelier, qui n’eut que 4 livraisons.

Nicolas de Condorcet se situe à part dans cette galaxie des journalistes et députés révolutionnaires, nous y reviendrons.
Certains journaux s’apparentent à des pamphlets politiques, ainsi L’Ami du peuple de Jean-Paul Marat, quotidien publié de septembre 1789 à septembre 1792, qui eut 685 numéros jusqu’à l’assassinat de rédacteur en mai 1793, ou Le Père Duchesne, bi-hebdomadaire de Jacques-René Hébert, qui fait paraître 385 numéros de septembre 1790 jusqu’à son exécution en mars 1794 et qui connut de nombreuses imitations.

Face à la presse révolutionnaire, un nombre important de journaux modérés ou monarchistes fleurissent, souvent de façon éphémère. L’Ami du roi de l’abbé Royou, quotidien au mois de juin 1790, adopte une périodicité fluctuante jusqu’en avril 1792 et La Gazette de Paris sont violemment contre-révolutionnaires, mais plus compassés que les journaux d’Antoine de Rivarol. Le célèbre polémiste fait pendant à Marat. Il participe à deux journaux : Le Journal politique National et Les Actes des Apôtres, qui disparaissent tous deux en 1791, lorsque Rivarol est contraint d’émigrer. Ses mots d’esprit font mouche : « Mirabeau est capable de tout, même d’une bonne action » ; à propos de Pastoret : « Une cervelle de renard dans une tête de veau » .

La presse de province et la presse spécialisée
Qu’elles soient locales ou imprimées à Paris, les nouvelles reçues par les provinces sont toujours en retard. Des journaux sont créés dans les principales villes de province, mais c’est surtout La Feuille villageoise, destinée à être lue en chaire par les curés le dimanche à la messe ou le soir à la veillée, qui assure l’information dans les paroisses. Elle est expédiée le jeudi et l’abonnement ne coûte que 7 £ 4 S ; elle a un succès considérable, avec 16 500 abonnés en 1790 ; favorable à la révolution, elle continue à paraître jusqu’au 2 août 1795.
Des journaux destinés au public féminin exclu de la citoyenneté mais pas de la Révolution sont lancés : Le magasin des Modes, Le Journal de la Mode et du Goût, reprennent la tradition inaugurée par le Journal des dames (1759-1779) et par le Cabinet des modes (1785-1786), tandis que deux journaux authentiquement féministes font leur apparition, Les Etrennes nationales des Dames, qui proclame « la femme est à l’homme égale en droits et en plaisirs », et Le courrier de l’Hymen. Tous deux réclament l’émancipation des femmes et l’égalité entre les sexes.
Le retour de la censure et des contraintes sur la presse
À partir du 10 août 1792 et la destitution de Louis XVI, la presse est mise en tutelle. Le 12 août 1792, un arrêté du Conseil général de la Commune de Paris met un terme à la jeune liberté : « Les empoisonneurs de l’opinion publique tels que les auteurs de divers journaux contre-révolutionnaires, seront arrêtés et leurs presses, caractères et instruments seront distribués entre les imprimeurs patriotes ». Un des premiers exécutés est le journaliste royaliste Durosoy ou du Rozoy (25/8/92).
Malgré l’incorporation de la Déclaration des droits à la Constitution de 1793, c’en est fait de la liberté de la presse pour quarante ans. On rétablit le délit d’opinion, on le punit même de mort. Les journaux monarchistes, puis girondins sont interdits, tandis que la presse de propagande montagnarde est subventionnée.
Le journalisme selon Nicolas de Condorcet
Dès 1788, lorsque la lettre de convocation des Etats Généraux lève la censure, Condorcet participe à l’aventure de la presse nouvelle, notamment au Patriote Français de Jean-Paul Brissot ou au Journal de Paris. Membre de la Société des amis des Noirs, il milite pour l’abolition de l’esclavage.

Il n’est pas élu aux Etats Généraux, parce que, contrairement à Mirabeau, il n’a pas voulu se présenter aux suffrages du Tiers Etat, mais a cherché à se faire élire par la noblesse.
Cependant, il est élu député à l’Assemblée législative en septembre 1791, puis à la Convention en septembre 1792.
Il est considéré alors considéré comme le « guide de la Révolution », moins par ses interventions à la chambre, aux Jacobins que par ses articles dans la presse, plus de 700 en deux ans. En effet, Condorcet n’est ni un orateur, ni un tribun du peuple ; timide et à la voix frêle, lisant ses discours d’un ton monocorde, il est peu écouté dans les assemblées ; ce sont ses articles qui font mouche.

Il prend part à la rédaction du Journal de la société de 1789, donne des articles à La Bouche de fer, est l’un des fondateurs du Républicain et publie également dans Bibliothèque de l’homme public, la Chronique de Paris, La Feuille villageoise, La Chronique du mois, le Journal d’instruction sociale et le Journal de Paris.
Il y défend les droits des femmes, des noirs, des protestants et des juifs, la nécessité de l’instruction pour le peuple, des institutions tempérées et un humanisme libéral.
Mais l’exacerbation des tensions entre Girondins et Montagnards, alors qu’il se situe entre les deux factions, le pousse à tenter une ultime conciliation. Accusé de trahison par la Commune, il est décrété d’arrestation en juillet 1793. Caché à Paris puis à Bourg de l’Egalité [Bourg-la-Reine], il rédige une Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, publié après sa mort.
Il se suicide le 29 mars 1794, deux jours après son arrestation, épargnant ainsi, selon Jules Michelet, « à la République, la honte du parricide, le crime de frapper le dernier des philosophes sans qui elle n’eût point existé ».
Son corps, enterré dans une fosse commune n’a jamais été retrouvé et c’est un cercueil vide qui a été transféré au Panthéon pour le bicentenaire de la Révolution en 1989.
Les articles de Condorcet
Si j’ai choisi pour titre de cette contribution « Condorcet journaliste », c’est parce qu’il n’est pas comme les autres hommes politiques (Marat, Desmoulins) un doctrinaire qui expose ses idées et propositions, mais qu’il invente, avec quelques autres moins célèbres que lui, le journalisme français. En effet, ce n’est pas parce qu’on écrit dans un périodique que l’on est journaliste. En revanche, on l’est pleinement lorsqu’on s’astreint tous les jours pendant 18 mois à écrire dans la Chronique de Paris un résumé commenté des débats de la veille à l’Assemblée.
Donc, les articles de Condorcet sont de deux types : des comptes-rendus des séances des Assemblées et des contributions sur le fond d’un sujet (l’esclavage, l’égalité, les projets constitutionnels, la répartition des pouvoirs, l’économie, l’instruction publique, etc.). Vous comprendrez que je ne puisse vous citer que des extraits significatifs d’un corpus qui atteint 5 millions de signes, soit 5 bons volumes de 500 pages chacun.
Les comptes-rendus des séances des Assemblées
La Chronique de Paris est un quotidien de quatre pages in-quarto, plus deux pages parisiennes. Il comporte plusieurs chroniques, dont celle de Condorcet sur les débats de l’Assemblée, mais aussi des contributions d’autres auteurs, une rubrique culturelle et des informations diverses (Bourse, météo, avis divers), qui en font un vrai journal plutôt qu’un tract ou un pamphlet.


Condorcet réalise ces comptes-rendus des débats et décrets de l’Assemblée à partir du travail des logographes et d’un secrétaire : ce sont des résumés fidèles, mais assortis de remarques politiques, parfois longues, notamment lorsqu’il s’agit des débats sur la constitution, parfois très courtes, par exemple lorsque la Convention interdit les sorties d’or du territoire, Condorcet remarque « aucun pouvoir, aussi fort soit-il, n’a jamais pu imposer une telle mesure ». La plupart des ces commentaires se trouvent développés dans des articles de fond.
Les articles de fond
Je ne peux ici qu’évoquer une partie de la pensée de Condorcet qui transparaît dans ses écrits.
« Les sociétés politiques ne peuvent avoir d’autre but que le maintien des droits de ceux qui les composent, c’est donc au nom de ce droit que l’État se doit d’abolir l’esclavage. Aucun droit naturel ne peut être supprimé à un être humain sauf si celui-ci est hors d’état d’exercer ses droits », article « Sur la Société des amis des Noirs », Le Journal de Paris, 19 août 1788. En 1790, alors que les planteurs de Saint-Domingue réclament le droit de vote, il plaide pour accorder en même temps le droit de vote des noirs.

« Sur l’admission des femmes au droit de cité », Journal de la Société de 1789, 3 juillet 1790 : « Par exemple, n’ont-ils pas violé le principe d’égalité des droits en privant tranquillement la moitié du genre humain de celui de concourir à la formation des lois, en excluant les femmes du droit de cité ? »
Contre le suffrage censitaire : « Adresse à l’Assemblée nationale », Journal de la Société de 1789, 5 juin 1790 : « Vous avez fait dépendre de l’imposition directe le titre de citoyen actif, et par là, vous avez lié les lois de finances aux lois constitutionnelles. Un changement dans les premières pourrait altérer la constitution. »
« Sur le préjugé qui suppose une contrariété d’intérêt entre la capitale et les provinces », Journal de la Société de 1789, 10 juillet 1790.
Une contribution marquante de Condorcet est « Sur l’instruction publique », publiée en cinq livraison (au total 360 pages) dans la Bibliothèque de l’homme public en 1790 : « Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger ». Ces articles, réunis en ouvrage, mériteraient une séance de rentrée.
Condorcet expose devant la Convention les 15 et 16 février 1793 son projet de Constitution. Dans les jours qui suivent, le texte est publié dans la Chronique de Paris, Le Moniteur, La Feuille villageoise et Le Patriote Français. Il se prononce pour une assemblée unique élue au suffrage universel et devant laquelle l’exécutif serait responsable. Pour éviter les mouvements d’humeur de l’Assemblée, une sorte de conseil d’Etat composé de magistrats et de savants qui pourraient opposer par deux fois un véto motivé aux lois. Enfin, il propose que la constitution soit révisée tous les 20 ans pour tenir compte de l’évolution de la société.
Il y adjoint un « Projet de déclaration des droits de l’homme », Le Moniteur, 18 février 1793, sur la liberté de la presse : « La liberté de la presse, et de tout autre moyen de publier ses pensées, ne peut être interdite, suspendue ou limitée ».
Condorcet, qui a refusé de voter la mort de Louis XVI, refuse la peine de mort : « La possibilité de l’innocence de celui qui est déclaré coupable, n’est jamais absolument détruite ; et par conséquent, toute peine irréparable est injuste. »
Le 12 juin 1790, il s’était prononcé pour « la liberté de conscience la plus absolue » et l’absence de religion d’Etat ou financée par l’Etat, (« Sur le décret du 13 avril 1790 », Journal de la Société de 1789).
Condorcet, qui s’était intéressé à la statistique et avait été nommé Inspecteur générale de la Monnaie (1775-1790) puis Commissaire de la Trésorerie (1790), publie plusieurs articles sur les finances et l’économie. Partisan de la liberté et de l’égalité, il cherche à concilier ces deux exigences dans un libéralisme tempéré par une réglementation souple.
« Sur l’impôt progressif », Journal d’instruction sociale, 1er juin 1793. Exemption : « la partie du revenu nécessaire à la subsistance de la famille ne peut être imposée ». Ensuite, il faut que l’impôt soit progressif par pallier. De même, dans « Sur les successions », Bulletin des amis de la vérité, 4 janvier 1793, il se prononce contre le droit d’ainesse et pour le partage successoral égalitaire. Le but est de favoriser progressivement l’égalité réelle.
Dans La Chronique du mois, en janvier 1792, il s’attaque aux dérives financières et inflationniste de la Révolution, dans un article « sur la distribution des assignats et sur l’établissement de paiements par registre », puis aux contraintes excessives avec « Sur la liberté de la circulation des subsistances » en mars 1792.
Condorcet et le roi : dès la fuite à Varennes (21 juin 1791), Condorcet fonde un nouveau journal dont le titre dit toute son ambition ; Le Républicain, qui n’a que 4 livraisons. Les articles sont clairs : « De la République, ou un Roi est-il nécessaire à la conservation de la liberté ? » et « Lettre d’un jeune mécanicien aux auteurs du Républicain », où le philosophe austère se livre à une pochade en proposant de remplacer le roi et la cour par des automates. « Mon roi ne serait pas dangereux pour la liberté, et cependant en le réparant avec soin, il serait éternel, ce qui est encore plus beau que d’être héréditaire. On pourrait même le déclarer inviolable sans injustice, et le dire infaillible sans absurdité. »
Condorcet et la guerre : « C’est en détestant la guerre que j’ai voté pour la déclarer », afin de lutter contre la coalition des rois et des émigrés. Il cherche à l’arrêter après Valmy, mais en vain.
Ainsi, Condorcet chercha-t-il toujours l’apaisement entre les factions révolutionnaires, mais pris en tenaille entre les Girondins et les Montagnards, dépourvu du soutien de la Commune de Paris, de plus en plus puissante en 1793, attaqué de toutes parts, caricaturé et traîné dans la boue, ainsi que son épouse Sophie de Grouchy, il y laissa sa vie, comme bien d’autres, notamment Danton et Camille Desmoulins, guillotinés le 5 avril 1794, une semaine après la mort de Condorcet. Jacques-Pierre Brissot (31/10/93) et Jacques-René Hébert (24/3/94) avaient déjà payé de leur vie la liberté de leur plume.

Bonsoir,
Je vous remercie pour ce compte-rendu .
Je regrette de n’avoir pu y assister, n’ayant pas été invité en temps utile.
Très cordialement.
Francis Boucly
06 82 01 36 49
Lycée Condorcet (1953-1962)
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Bonsoir,
Merci pour votre commentaire.
Je vais demander à mes camarades de l’Association de vérifier votre inscription sur notre liste de destinataires de nos invitations.
N’hésitez pas, cependant, à consulter régulièrement la page d’accueil de notre site sur laquelle nous annonçons nos évènements.
Encore désolé de ce contre-temps.
Cordialement
C. NOGREL
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