Président (1978-2010) puis Président d’honneur (2011-2024)
de notre Association
Hommages présentés lors de l’Assemblée Générale de notre Association
le 22 janvier 2025
Nicolas de Kervern, président :
Michel Sy, qui nous a quittés en novembre, était né en 1930 aux Ponts de Cé, près d’Angers.
Il est entré au Petit Condorcet en 1940. Il a continué ses études au Grand Condorcet où il a eu son bac Math-Élem en 1947. Puis il est allé à la Faculté des Sciences de l’Université de Paris.
Après un doctorat ès-sciences physiques en 1955, il a démarré sa carrière de chercheur comme stagiaire au CNRS, au laboratoire de Chimie de l’Institut du Radium – Fondation Curie. Il est devenu attaché, puis chargé, ensuite maître et enfin, de 1984 à 1997, directeur de recherche. Il a également été professeur associé, chargé de cours d’« Économie de l’Innovation ».
Une fois à la retraite, il a été, à partir de septembre 1997, conseiller de la direction du groupe TFN (Technique Française du Nettoyage), fondé en 1944, qui assure aux entreprises des services de nettoyage, sécurité, accueil et maintenance, est devenu international sous le nom d’Atalian et a aujourd’hui quelque 45 000 employés.
Il était chevalier de la Légion d’Honneur, commandeur de l’Ordre national du Mérite, officier du Mérite agricole et commandeur des Palmes académiques. Il a aussi été lauréat de l’Académie nationale de Médecine (1958) et du prix de la Fondation van t’Hoff (1960). Il a aussi reçu la Grande Médaille de Vermeil de la Ville de Paris.
Il présidé notre association pendant 32 ans, de 1978 à 2010 (jusqu’à ses 80 ans), et il est jusqu’au bout resté présent et disponible parmi nous, comme président d’honneur.
Jean Duchesne va nous apporter son témoignage sur Michel Sy.
Jean Duchesne, vice-président :
Ce que, pour ma part, je retiens de Michel Sy, c’est un paradoxe : d’un côté, une capacité hors du commun d’accueillir et de fédérer, par-delà toutes les particularités ou allégeances ; et de l’autre, des engagements personnels qui ne se sont pas limités à l’association des Anciens de Condorcet, mais ont été nombreux, très diversifiés, forts, profonds et durables.
Nicolas de Kervern a retracé sa carrière, mais la liste de ses adhésions et enrôlements est encore plus impressionnante.
Dans le domaine des sciences, il a été membre de :
– la Société chimique de France,
– la Société de Chimie industrielle (1956-75),
– la Société des Experts-chimistes de France (1956-75),
– l’American Chemical Society,
– la Chemical Society de Londres,
– l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts d’Angers (depuis 1973),
– la Société d’Économie Politique (depuis 1960).
Il a encore été :
– membre du jury du Prix Santé,
– Vice-président de l’Académie Européenne Interdisciplinaire des Sciences de Paris,
– Président de la section recherche du Rassemblement pour la République (RPR) (83-90).
C’est dire qu’il s’est aussi « mouillé » en politique : il a été de 1958 à 1962, député du 18ème arrondissement de Paris où il résidait, inscrit au Centre National des Indépendants et Paysans, avec lesquels a rejoint les gaullistes de l’UDR et du RPR…
Mais ce n’était pas un engagement partisan. Car il n’a pas cherché à faire carrière en politique, a renoncé à une réélection et a rejoint le Groupe des Anciens Députés, sans distinction d’appartenance. Il a été porté à la vice-président de cette amicale (à partir de 1982) et même à la présidence (de 2001 à 2004).
Et ce n’est là qu’un rameau de l’arbre touffu de ses implications dans la vie associative. Il a en effet été :
– président (de 2000 à 2012) puis président d’honneur de l’Amicale des Hauts Fonctionnaires ;
– président de l’Association des Amis de Curnonsky (1872-1956, critique culinaire, humoriste, écrivain…, né Edmond Maurice Sailland à… Angers) ; c’est en disciple de ce « prince des gastronomes » que Michel Sy l’a fait connaître au Japon qui découvrait la culture occidentale et aussi qu’il veillait de près à la qualité des mets servis au banquet annuel des Anciens de Condorcet.
– Il a encore été président de l’association des Amis de Jules Desbois (sculpteur, élève de David d’Angers et ami d’Auguste Rodin, disparu en 1935, mais né en 1851 à Parçay-les-Pins près d’… Angers),
– et enfin fondateur et président de l’Association « Les Angevins de Paris », créée en 1978.
Je relève ici trois traits singuliers.
– Le premier est la responsabilité dans l’engagement, qui a fait que, là où il devenait membre, Michel Sy a été souvent et presque régulièrement, comme naturellement, porté et maintenu par les adhérents à la présidence, sans se croire indispensable ni éternel, et en sachant toujours céder la place.
– La deuxième spécificité est l’enracinement dans un terroir – celui de l’Anjou, avec ses grands hommes et ses traditions – mais sans esprit de clocher, comme le montrent l’implantation à Paris, l’accès au niveau national et même international des liens avec l’Angleterre et l’Amérique pour la chimie, et même pour la cuisine avec le Japon, où il s’est employé à développer la réputation méritée de Curnonsky.
– La troisième caractéristique est l’extraordinaire variété des intérêts, qui vont donc de la science aux arts, en passant par l’industrie, le monde de l’entreprise et l’économie, la politique et les plaisirs de la table.
J’ajouterai qu’une attention aux autres a fait que, abondamment décoré lui-même, il s’est toujours employé à faire reconnaître leurs mérites en leur obtenant, et en leur remettant lui-même s’il le pouvait, les insignes de chevalier, officier ou commandeur dans les grands ordres nationaux, avec le plaisir parfaitement altruiste du partage de la promotion aux honneurs.
Toutes ces qualités ont été fructueuses dans notre association des Anciens de Condorcet. Quand il en est devenu le président, en 1978, la tâche n’était pas si facile.
Car il succédait à une forte personnalité, Maître Fernand Mouquin, qui était né en 1888, avait donc 90 ans, était là depuis 1945 (33 ans donc) et allait vivre plus que centenaire, jusqu’en 1992. C’était un héros des deux guerres mondiales. Il avait survécu à la Première en méritant la Croix de Guerre et il s’était illustré dans la Seconde comme avocat des résistants du « Réseau du Musée de l’Homme », parmi lesquels Germaine Tillion, Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle… C’était aussi une star du barreau parisien, un écrivain et un poète publié. Maître Mouquin a donc été le représentant et la voix des Anciens de Condorcet qui ont participé aux « Trente Glorieuses ».
En lui succédant dans un contexte qui changeait, Michel Sy n’a pas seulement presque égalé son record de longévité. Car il a réussi à donner tout son sens à une notion, voire un idéal sans doute oublié de nos jours et en tout cas rarement nommé et donc plus tellement honoré de façon explicite : la camaraderie, qui est la solidarité sans arrière-pensée, désintéressée et toujours disponible, avec des gens que l’on côtoie et que l’on n’a pas choisis, ou qui – avant ou plus tard – ont suivi le même chemin à une étape de leur vie dont ils sentent plus ou moins consciemment qu’elle a été décisive.
Il y a là plus qu’un sentiment : une vertu, celle d’une fidélité qui n’en empêche pas d’autres et même les nourrit ; un enracinement toujours fécond plutôt qu’un attachement ; une appartenance émancipatrice, sans ni crispation sur le passé, mais sans cesse renouvelée au présent dans la convivialité partagée avec de plus jeunes, au service de tous ceux (élèves, enseignants et encadrants) qui font vivre le lycée aujourd’hui et des générations à venir.
C’est ce que nous lègue Michel Sy et dont nous pouvons et devons lui savoir gré, en le pratiquant et le transmettant à notre tour.
